Les blockchains publiques telles qu’Ethereum ou Bitcoin fonctionnent avec une cryptomonnaie (l’ether et le bitcoin, respectivement). Générés par le protocole en rémunération de l’entretien du réseau, ils permettent son fonctionnement et sont des réserves de valeur. Mais d’autres avatars de ce que l’on pourrait appeler l’actif blockchain existent également : appelés couramment tokens ou jetons, ils sont le plus souvent liés à un projet en particulier. Depuis quelques mois, la valeur de ces actifs a fortement augmenté : la valeur totale des actifs blockchain échangés sur les marchés a progressé de plus de 500 % depuis le début de l’année 2017, passant de 18 milliards de dollars à plus de 90 milliards à date de rédaction de cet article. L’occasion de faire un panorama de ces actifs d’un nouveau genre et de répondre aux nombreuses questions posées par les lecteurs : qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ou un token ? quelles sont leurs caractéristiques et leur utilité qui font, potentiellement, leur valeur ? comment s’en servir ? quels sont les risques ?
Cryptomonnaie, token : une nouvelle catégorie d’actifs
Des actifs numériques nés de la technologie dite « blockchain »
L’ether, le bitcoin et leurs dérivés sont le cas d’usage par excellence de la technologie blockchain ; c’est à dire la création d’actifs numériques. Ces actifs numériques sont des inscriptions numériques ayant des caractéristiques proches d’un actif physique. L’inscription sur une blockchain est unique, comme un objet réel. Elle est associée à une identité, un compte, et la personne qui détient ce compte peut le transférer, le détruire, le prêter, s’en servir comme une garantie… selon son bon vouloir. La technologie permets de donner un caractère quasi-tangible à des actifs purement numériques.
La blockchain permet à ces actifs numériques d’exister, car elle résoud l’un des problèmes fondamentaux de la création d’une valeur numérique : la duplication. Un contenu numérique est reproductible facilement ; l’industrie musicale l’a appris à ses dépens. Or, ce qui est reproductible facilement n’a pas de valeur. Mais là où les artistes ont inventé le tirage numéroté pour rendre de la valeur à une image facilement reproductible ; les créateurs-trices du bitcoin ont inventé un mécanisme de numérotation électronique : la blockchain. Les protocoles utilisés par cette technologie (appelés « protocoles de consensus« ) permettent en effet d’assurer :
- qu’une inscription numérique reste unique (elle ne peut pas être dépensée deux fois – double spend)
- que le support sur lequel elle est inscrite (la fameuse chaîne de blocs) ne puisse pas être altéré – ou du moins que cette altération soit visible et son coût fortement dissuasif.
En pratique, si vous possédez un ether – c’est à dire si vous êtes le détenteur d’une clé privée à laquelle est associée un solde d’un ether – vous pouvez par l’envoi de transactions à la blockchain Ethereum le déplacer, le donner, le vendre ; mais vous ne pouvez pas le dupliquer, c’est à dire le dépenser deux fois : si vous envoyez deux transactions d’envoi portant sur le même ether, seule la première transactions insérée dans un bloc sera traitée, l’autre sera considérée par les participants comme invalide (car portant sur un ether déjà transféré) et rejetée par le réseau.
Comment fonctionne une cryptomonnaie (en anglais, source BlockGeeks)
L’ether (ETH) est la cryptomonnaie d’Ethereum
Sur ce point, Ethereum n’a rien inventé. La cryptomonnaie a été créée dans sa forme actuelle par Satoshi Nakamoto avec le bitcoin. Comme lui, l’ether est une unité de compte servant de moyen d’échange, créé et stocké dans la blockchain. On possède sur la blockchain Bitcoin ou Ethereum une unité de bitcoin ou d’ether (ou une fraction d’unité). Cette possession est matérialisée par une inscription en numéraire sur le grand registre que constitue Ethereum ; associée à une clé publique, un compte, qui représente son détenteur légitime.
Le dernier état de la blockchain Ethereum tel que reproduit sur le site etherscan.io indique par exemple que l’adresse 0x2dCA0E449AB646DBdfd393A96662960BcAb5Ae1e possède aujourd’hui 40 000 ethers (il s’agit à la date de publication de cet article d’une adresse n’ayant jamais effectué de transaction depuis la création d’Ethereum). La personne qui détient ce compte (et donc la clé privée qui y est associée) peut envoyer des transactions à un noeud Ethereum pour modifier le détenteur de l’actif (transaction d’envoi d’ether) ou (spécificité d’Ethereum) en « consommer » pour exécuter un smart contract (ou contrat autonome) ou en déployer un nouveau.
L’ether et le bitcoin sont également des rouages indispensables au fonctionnement de leurs blockchains respectives : en devenant participant actif à la blockchain Ethereum (et donc achetant du matériel adapté et en consommant de l’électricité pour valider les futurs blocs selon le protocole de consensus Proof of Work), le mineur a une chance de recevoir des ethers en rémunération, couvrant théoriquement ses coûts.
Le minage est une activité rentable car le protocole prévoit que celui qui trouve un bloc valide reçoit automatiquement cinq ethers nouvellement émis
Les utilisateurs d’Ethereum qui souhaitent exécuter des transactions ou déployer des smart contracts payent également aux mineurs des frais en ethers, dont le montant correspond à la complexité de l’opération qu’ils souhaitent réaliser.
Sans entrer dans les détails, cette complexité est mesurée en gaz – par exemple, un transfert d’ethers est relativement simple et coûte 21000 gaz à exécuter ; le gaz, dont le prix est indirectement fixé par les mineurs, coûte aujourd’hui environ 0.000000002 ether (ou 2 Gwei) ; la transaction de transfert d’ethers va donc coûter environ 0.000021 ether. Une transaction plus complexe (déploiement ou exécution d’un smart contract) va coûter plus cher en gaz et donc en ether.
La cryptomonnaie peut donc être définie comme une unité de compte numérique ayant toute les caractéristiques d’un actif physique et essentielle au fonctionnement de la blockchain publique.
Le cas des tokens – vers une économie globale des actifs numériques
Ethereum permet également de déployer facilement des smart contracts gérant d’autres actifs numériques, appelés alors couramment tokens. L’idée n’est pas nouvelle, elle fut déjà explorée par Colored Coins sur Bitcoin notamment, ou par le protocole Counterparty (XCP) : se servir d’une blockchain existante et déjà sécurisée par un protocole de consensus public pour enregistrer des autres unités de comptes, des autres inscriptions uniques, créées pour un projet précis, un objectif défini.
A titre d’exemple, un développeur peut envisager d’émettre des tokens :
- dits applicatifs, ayant pour but d’être utilisé dans une application décentralisée particulière. Exemple : un token spécifique pour un jeu vidéo, comme les NXC émis par Beyond the Void, ou un token permettant de payer de la puissance de calcul comme le RLC de iEx.ec.
- de réputation, et permettant donc de mesurer la fiabilité d’un utilisateur (plus l’utilisateur a reçu de tokens, plus il est fiable). Exemple : les tokens REP d’Augur.
- de vote, le token représentant alors une voix pouvant être utilisée dans un contrat particulier de vote. Exemple : les tokens de The DAO comprenaient un droit de vote.
- de traçabilité, le token représentant alors un actif réel dont le transfert entre ses propriétaires est matérialisé par un transfert du token. Exemple : Provenance enregistre le suivi de la supply chain des produits dans un token transféré entre les différents acteurs.
- donnant droit à un dividende, le token est alors habituellement associé à un projet particulier et donne le droit à recueillir des dividendes du projet à intervalle régulier. Exemple : Les tokens The DAO, toujours, donnaient un droit à revenu sur les projets financés. C’est le cas aussi des tokens DGD émis par Digix ou des tokens de TokenCard.
- représentant des point de fidélité, le token étant fourni à un client d’un service à chaque utilisation, ce token peut ensuite être utilisé en paiement ou selon d’autres modalités. Exemple : les tokens de Plutus sont conçus comme des points de fidélités distribués à chaque transaction.
- représentant une valeur spécifique, correspondant par exemple à un euro. Un token ETH-EURO, par exemple, pourrait être conçu de telle manière à ce qu’il corresponde toujours à un euro, soit en étant lié à un collatéral, soit en recourant à des mécanismes de marché complexes. C’est le projet développé par StabL / VariabL notamment.
- de preuve de possession ou de transfert d’un actif matériel, le token étant alors lié d’une façon ou d’une autre au dit actif réel et son transfert vaut transfert de propriété réel (on pense ici aux tokens DGX représentant un gramme d’or dans les coffres de Digix).
- de ticket d’entrée ; on peut imaginer qu’un token représente un ticket d’entrée à un événement. Même si aucun exemple n’existe encore à ma connaissance ; c’est le projet d’un festival de musique qui se tiendra à Liepzig cet été.
- représentant un statut. Un token peut également être distribué aux membres d’une organisation ou aux participants à un événement comme preuve de leur statut particulier. Les tokens de DAO1901 représentent l’adhésion à une association. Des tokens uniques DEVCON2 ont également été distribués aux participants.
Cette liste est naturellement non-limitative. Les tokens sont émis facilement, par le déploiement d’un smart contract, et le comportement, l’utilité des tokens est librement décidée par son créateur dans le smart contract lui-même. On voit dans ces exemples que la facilité de déploiement et l’interopérabilité permise par Ethereum ont donné lieu à de très nombreux cas d’usage d’un « token ». In fine, la frontière est mince entre un token et une cryptomonnaie ; même s’il est généralement admis que la seconde est émise par le protocole de consensus d’une blockchain publique alors que le premier en est dissocié.
Les tokens font beaucoup parler d’eux depuis quelques mois depuis la généralisation de ce que l’on appelle communément des ICO, pour initial coin offerings. Ces ICO sont en pratique des ventes de tokens organisées par les initiateurs d’un projet. Les tokens achetés – habituellement en cryptomonnaies bitcoin ou ether – par des enthousiastes souhaitant participer au projet et bénéficier des services qui seront développés par la société avec cet argent.
Des actifs de valeur… ou non !
Ces tokens ont-ils une valeur intrinsèque ? Pourquoi la valeur de ces tokens augmente-elle ? Il ne s’agit finalement que d’une inscription sur une base de données (ou un registre)… Un simple « 1 » entré dans une base de données peut-il avoir de la valeur, cette base de données fut-elle une blockchain ?
Pour répondre à ces questions, il est sans doute utile de regarder comment fonctionne le système bancaire. Vos euros sont déjà de simples « 1 » entrés dans une base de données, cette base de données étant gérée par votre banque, sous le contrôle d’un certain nombre d’organismes et son statut particulier lui permet d’assurer que ce « 1 » corresponds à un euro « véritable », c’est à dire en réalité une créance d’un euro. Lorsque un « 1 » s’affiche sur votre compte bancaire, c’est que votre banque reconnaît qu’elle vous doit un euro. Cette inscription n’a évidemment de valeur que si vous faites confiance à votre banque et aux organismes de contrôle pour ne pas changer arbitrairement ce chiffre. En réalité, vous n’avez aucun contrôle réel sur ce que votre banque affiche sur votre compte bancaire. A ceci il faut ajouter que ce même euro n’a de valeur que dans la mesure où il est reconnu et même obligatoirement accepté comme moyen de paiement dans tous les pays de la zone euro, dans la mesure où il est émis par la Banque Centrale Européenne.
Le marché définit un prix (souvent fluctuant) aux cryptomonnaies et autres tokens
Pour l’ether, le bitcoin, les tokens, les choses sont très différentes. Le « 1 » inscrit sur blockchain est directement appréhendé, sans intermédiaire. Et par conséquent le « 1 » de l’actif blockchain ne représente pas une créance envers un tiers, à fortiori une banque. Il est l’actif lui-même. L’existence de cet actif n’est pas conditionnée à la garantie fournie par un acteur déterminé (comme la banque pour l’euro) : la blockchain elle même suffit pour faire exister ces actifs, elle constitue leur support technique. C’est pour cette raison que la cryptomonnaie, le token, est souvent assimilé à l’or : il s’agit bien d’un actif.
C’est dans ce contexte que l’on entends parler de révolution de la confiance : celle ci est déportée de l’acteur traditionnel vers la technologie elle-même. A partir du moment ou un grand nombre d’acteurs font confiance à la technologie blockchain pour faire exister cet actif et le transmettre de façon fiable, il apparaît possible de considérer que cet actif transférable rapidement de façon complètement décentralisée, sans recours à une tierce partie, peut avoir une forme de valeur. Ajoutez à ceci les smart contracts, les DAO, les dApps… qui permettent d’envisager de très nombreux usages à ces actifs, et la valeur qui leur est accordée prends plus de sens.
Force est d’ailleurs de constater que les marchés qui permettent d’échanger des euros, dollars et autres monnaies dite « fiat » contre des ethers, bitcoins et autres tokens confèrent de facto une valeur à certains d’entre eux. Un ether est valorisé plus de 170 € à l’heure ou j’écris ces lignes sur des plateformes d’échange (comme Kraken), preuve que le marché (ou plutôt la somme d’individualités qui le composent) considère que le token ETH a une valeur, par ailleurs fluctuante en fonction des développements techniques de la plateforme des d’autres événements exceptionnels (on pense notamment au hack the The DAO et au hard fork qui a suivi, qui ont entraîné une chute importante du cours).
Un cryptomonnaie, un token, n’a cependant pas de valeur intrinsèque. Ce sont ses usages réels ou potentiels qui génèrent de la spéculation sur leur valeur. C’est la raison pour laquelle les innombrables copies de bitcoin n’ont qu’une valeur très faible, et c’est sans doute la raison pour laquelle la valeur des ethers a augmenté de façon exponentielle avec l’exploration nombreux développements techniques que la plateforme Ethereum rend possibles ; en témoigne l’augmentation considérable du prix de l’actif depuis la création d’Enterprise Ethereum Alliance, notamment.
Un actif en cours de conception
Ajoutons à ceci que la technologie blockchain est toujours une technologie balbutiante. Aujourd’hui, elle fonctionne, mais elle fonctionne mal. De façon générale, la blockchain est lente, inefficace, ne peut pas gérer beaucoup de transactions par secondes, est limitée dans ses usages. Bitcoin peut traiter au maximum 7 transactions par seconde, Ethereum 15. Le principe de faire réexaminer et réexécuter toutes les opérations par tous les participants au réseau est certes un gage de sécurité mais il ralentit fortement le traitement des opérations qui ne s’effectuent qu’en séquentiel et jamais en parallèle. Vlad Zamfir, un des développeurs principaux du protocole Ethereum, résumait récemment l’état actuel de la blockchain dans un tweet :
Ethereum isn’t safe or scalable. It is immature experimental tech. Don’t rely on it for mission critical apps unless absolutely necessary!
— Vlad Zamfir (@VladZamfir) March 4, 2017
Cet tweet, qui a provoqué de nombreuses réactions, met finalement en avant le caractère hautement expérimental de la technologie et la nécessité aujourd’hui de fonctionner par itérations, tests…
Les solutions à ces problèmes sont en cours de développement. On parle techniquement de passage au Proof of Stake, de sharding, de state channels… Mais mais il faut garder à l’esprit que les protocoles ne sont pas finalisés, et que les mises à jour prévues pourraient aboutir à des catastrophes. Même si la nature même de la blockchain en fait un protocole antifragile, il n’en résulte pas moins que la panne même temporaire d’une base de données gérant d’ores et déjà des flux journaliers de plus de 2 milliards de dollars aurait des conséquences négatives sur la valeur et la perception de cette base… et des actifs qui sont logés dessus.
Quel statut (social, économique, juridique, fiscal) pour ces actifs ?
Une question sociale et économique…
Ces actifs numériques sont réellement nouveaux et n’ont pas d’équivalent. Jusqu’à leur création, tous les actifs non-matériels étaient par essence faciles à dupliquer et nécessitaient un régime particulier pour assurer leur unicité et leur protection (on pense notamment à la propriété intellectuelle, aux titres financiers, etc.). Du fait de cette nouveauté, l’appréhension de ce que sont ces actifs est complexe pour le grand public et même pour les spécialistes. Ce n’est qu’aujourd’hui, huit ans après la création du bitcoin, que la connaissance sur le sujet commence à sortir du cercle des initiés technophiles, et encore avec beaucoup de difficulté. Nombreux sont ceux qui achètent du bitcoin ou de l’ether sans réellement comprendre ce que cela implique, simplement pour spéculer, comme elles achèteraient de l’or ou une bouteille de vin. Il en résulte que la perception des cryptomonnaies et tokens est encore fortement lié aux polémiques qui ont entaché leur jeunesse (piratages de plateformes d’échange, utilisations pour l’achat de produits illégaux sur le darknet, etc.).
Et, de façon générale, que l’écosystème n’est pas prêt : les plateformes d’échange ne sont pas capable de gérer le flux de nouveaux entrants, il est compliqué d’utiliser des cryptomonnaies pour réaliser des transactions dans le monde réel, la détention et le transfert des tokens est encore complexe à réaliser pour un néophyte… A cela, il faut ajouter que la transmission de valeur numérique implique de revoir certains modèles, comme la gratuité complète d’internet, la dévalorisation générale des contenus, etc. Si ce basculement a déjà été initié par certains, il reste que le grand public est fortement attaché au caractère gratuit d’internet.
Bref, le chemin est encore long et nous sommes plus à l’ère de Netscape et Caramail qu’à celle de Chrome et Facebook. Ces problèmes sont bien entendu temporaires, et le temps fera son œuvre à la fois sur la compréhension, l’acceptation et la simplification de l’utilisation de ces actifs. A titre personnel, j’entrevois une entrée des usages au grand public dans un horizon de cinq à quinze ans, pas avant.
D’ici là, certains acteurs économiques auront naturellement tiré leur épingle du jeu. Les produits B2B (business to business, d’entreprise à entreprise) voire B2E (business to enthusiasts) trouveront un public bien avant la phase de compréhension et d’acceptation par le grand public. Les initiatives en ce sens se multiplient, cédant à une hype à moitié méritée, et explorant des cas d’usage extrêmement divers couvrant à la fois les problématiques financières, assurancielles, énergétiques ou liées à la santé, l’identité, la traçabilité, la preuve, etc. Les startups auront naturellement un coup d’avance sur les cas les plus disruptifs mais nul doute que de grands acteurs auront aussi la souplesse nécessaire et les moyens de développer certains usages difficiles à mettre en oeuvre à petite échelle. Reste que certains acteurs restent très frileux, à commencer par les banques qui voient dans ces actifs une menace directe et immédiate sur leur activité, quitte à dissuader franchement les entreprises développant des cas d’usage autour de ces technologies en clôturant leurs comptes bancaires… On peut cependant espérer que cette pratique, encore très répandue il y a quelques années, soit en voie d’extinction.
…aux implications juridiques et fiscales
Sur le plan juridique et fiscal, la question du statut de ces actifs pose toujours question. Que sont-ils réellement ? Bien meuble, monnaie, titre financier ? Sans doute un peu des trois à la fois. Un statut sui generi pourrait être trouvé, ou a minima un statut s’adaptant au cas d’usage développé car, on l’a vu, le caractère programmable du token permet d’envisager un très grand nombre d’usages et potentiellement un très grand nombre de problématiques. Les questions juridiques soulevées par l’ether ne sont pas celles soulevées par le RLC ou le DGD… Sur ce point, la réflexion est ouverte, et aucune initiative sérieuse n’a encore été envisagée par les législateurs. L’approche choisie, qui consiste grosso modo à attendre et à observer avant de se prononcer, ne pourra naturellement durer qu’un temps : il faudra bien trancher, sécuriser juridiquement les acteurs et leurs clients pour éviter les abus et favoriser les usages. La France et l’Europe, sur ces sujets, ont commencé la démarche : depuis le 1er décembre 2016, les plateformes d’échange sont notamment soumises à des obligations particulières en matière de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent : la mise en place de procédures de connaissance des clients, de matrices de risques leur sont imposés, de même que des signalement TRACFIN en cas de doute sur l’origine de certains fonds ou le statut de certains clients. Ces procédures, qui visent à limiter la fraude, ne sont cependant pas en mesure de servir de base à une clarification du statut juridique de ces actifs.
La question se pose naturellement de façon prégnante sur le plan fiscal. Le caractère pseudonyme des transactions et la facilité à opérer rapidement des transferts de fonds très significatifs en font par essence un instrument potentiel de fraude, même si la publicité totale des transactions et l’étape de transformation en euros et dollars qui nécessite le recours à des plateformes contrôlées restent deux facteurs très limitant de ces usages frauduleux. Au delà de ces problématiques, notons que le statut fiscal de cet actif n’a pas encore été clairement défini par les Etats, qui se sont souvent contenté d’examiner le cas d’usage très limité de la plus-value réalisée par un particulier ; qui ne permet pas de clarifier le régime fiscal de l’actif. Aujourd’hui, la fiscalité appliquée sur les plus-values de cryptomonnaies est de facto dissuasive et ne favorise vraiment pas le développement des usages, ni pour les particuliers en produit d’investissement ou de paiement, ni pour les entreprises. La création d’un régime spécifique serait également souhaitable, peut-être à l’exemple du régime favorable applicable aux plus-values sur titres.
En conclusion de cette introduction générale, retenons cette idée que l’actif numérique constitue une façon radicalement nouvelle de stocker, d’échanger, de gérer de la valeur et que les nombreux obstacle techniques, juridiques, sociétaux, économiques à leur utilisation ne feront sans doute que freiner leur adoption. Le pari est pris : nous verrons si dans dix ans tout le monde échangera des tokens ou si cette mode se sera éteinte aussi vite qu’elle est apparue…
Foire Aux Questions
Cette section regroupe l’essentiel des questions posées par les lecteurs sur les cryptomonnaies. N’hésitez pas à ajouter votre question à la liste en la suggérant en commentaire.
Comment puis-je me procurer des cryptomonnaies ou des tokens ?
La méthode diffère selon l’actif numérique choisi.
Il est simple d’acheter des bitcoins ou des ethers : vous pouvez vous rendre sur Coinhouse pour les acheter par CB (en payant une commission importante) ou sur Kraken. Un tutoriel complet est d’ailleurs disponible sur ce site ; Comment acheter des ethers.
Pour les tokens, c’est un peu plus compliqué ; tout dépend de la notoriété des projets et de la disponibilité de leur token. La règle générale est que la plupart sont disponibles sur des plateformes d’échange. Ainsi, les tokens des projets MelonPort (MLN), Iconomi (ICN) ou Gnosis (GNO) sont disponibles sur Kraken. Les tokens d’iEx.ec (RLC), Aragon (ANT), TokenCard (TKN) sont disponibles sur Bittrex et Liqui… Certains tokens sont aussi disponibles sur Poloniex, comme les REP d’Augur ou les NXC de Beyond the Void… Bref, vous allez devoir jongler entre les inscriptions à ces différents sites, d’autant que la plupart n’acceptent que le Bitcoin ou l’Ether en monnaie d’entrée ; il est donc nécessaire d’acheter d’abord l’une de ces deux cryptomonnaies avant de pouvoir commencer les échanges.
En tout état de cause, gardez à l’esprit que ces cryptomonnaies et tokens restent des technologies expérimentales, cf. la question suivante.
Les cryptomonnaies / tokens sont ils un investissement risqué ?
Oui. Ne misez que ce que vous pouvez vous permettre de perdre. Suivez ces conseils. Renseignez vous toujours sur ce que vous achetez (et n’achetez jamais « parce que ça a monté »).
Comment puis-je dépenser mes crytomonnaies / tokens ?
- En les vendant contre des euros / d’autres cryptomonnaies sur des plateformes d’échange.
- En utilisant des services de carte bancaire rechargeables en cryptomonnaies comme Xapo ou Kardiz.
- En trouvant des commerçants qui acceptent le bitcoin ou l’ether (pour le bitcoin, une liste détaillée est disponible sur le site bitcoin.fr).
L’ether n’a pas été conçu comme une réserve de valeur et a donc moins de valeur qu’un bitcoin. Pourquoi en acheter comme produit d’investissement ?
Il est vrai que l’ether n’a pas été vendu initialement comme une réserve de valeur mais comme le carburant permettant de faire fonctionner les smart contracts sur la blockchain Ethereum. Aujourd’hui, cette vision n’est plus entièrement d’actualité ; d’une part le carburant permettant de faire fonctionner les smart contracts est en réalité le gaz, d’autre part, la sécurité même du protocole repose sur la valeur de l’actif ether. Enfin, l’ether dispose de toutes les caractéristiques nécessaires pour être un actif de valeur comme le bitcoin : il sécurise une blockchain, il est accepté comme moyen de paiement, il est coté sur des places de marché avec des volumes conséquents, etc. Il n’existe pas réellement de raison rationnelle pour considérer que l’ether serait moins une réserve de valeur que le bitcoin.