Qui construit Ethereum ? Pour répondre à cette question, cette série d’interviews présente les français qui y contribuent au sens large : développeurs du protocole, développeurs d’applications, graphistes, investisseurs, utilisateurs, membres actifs de la communauté…

Aujourd’hui nous rencontrons Sylvain Laurent, software engineer pour Codefi chez ConsenSys

Bonjour Sylvain, nous sommes ravis de t’avoir parmi nos français qui construisent Ethereum. Pour commencer peux-tu te présenter en quelques mots?

Bonjour, je m’appelle Sylvain, j’ai 30 ans. Je suis développeur. J’ai commencé à toucher à la programmation quand j’avais 6-7 ans. J’ai ensuite évolué dans plusieurs milieux allant de la sécurité à la diffusion de vidéos et plus récemment l’univers des blockchains et toutes les technologies associées.

Quelle est ton occupation principale ?

Je travaille pour ConsenSys. J’ai récemment rejoint un nouveau projet qui consiste à travailler sur une infrastructure pour Ethereum 2.0 et des outils associés. Le but est de faciliter l’usage d’Eth 2.0. Ce n’est pas encore sorti mais il faut commencer en amont. Il faudra qu’il y ait des services et des fonctionnalités dès son arrivée.

 

 

ETH 2.0 sera différent à utiliser ?

En effet, ce sera un peu différent, ce sera une nouvelle technologie avec de nouvelles applications qui s’y connectent. Il y a également un aspect financier, on a récemment sorti un calculateur pour ETH 2.0, qui permet de calculer la rentabilité de ce que l’on souhaite miser dans le système. C’est une matrice où l’on rentre une valeur et elle en sort le revenu.  

Tu crées donc des outils très larges sur l’efficience d’Ethereum 2.0? 

Moi, plus spécifiquement, ce sur quoi je travaille c’est l’infrastructure qui fait tourner les validateurs 24h sur 24. L’infrastructure comprend notamment la gestion des clés privées: mettre en place des mécanismes et trouver des moyens pour éviter qu’un développeur puisse accéder aux clés, mais qu’un outil y ait accès. Cela passe par tout un tas de stratégies, d’infrastructure, de logiciels créés.

La cible de ton infrastructure, ce sont les entreprises ?

On a vocation d’aider l’écosystème de façon générale. Ce qu’on cherche à faire c’est  d’aider l’écosystème à faciliter la transition. Cela englobe tous les acteurs potentiels du réseau car ils sont tous concernés par ces outils.
Durant les quelques jours à DevCon V, j’ai passé du temps à regarder les clients ETH 2.0 pour ensuite les utiliser pour capitaliser les ethers dans Ethereum 2.0. L’idée est de créer l’infrastructure la plus résiliente possible, autant que la blockchain peut l’être.

Pourquoi Ethereum, qu’est-ce qui t’y a mené  ?


la cinquantaine d’ordinateurs servant a miner

Je fais partie de ces gens qui ont supprimé plusieurs fois leur wallet bitcoin. Je sais qu’a un moment j’avais plusieurs bitcoins à l’époque où l’on pouvait encore les miner avec des CPU. A l’école, en 2011, j’avais lancé une cinquantaine d’ordinateurs qui minaient. Je trouvais ça drôle, puis comme ça prenait beaucoup de place sur mon ordinateur, j’ai tout supprimé, wallet compris.
Quelques années plus tard, en 2014, une ancienne amie du collège-lycée m’a contactée pour rejoindre un altcoin qu’elle était en train de monter: Neucoin, une crypto-monnaie qui permettait le staking et dont la mission était de faire des micro-transactions. On a travaillé avec  des mathématiciens de Polytechnique et des core développeurs d’altcoins pour produire une blockchain basée sur du staking paramétré pour permettre des micro-transactions en s’inspirant de plusieurs autres altcoins tels que Peercoin et Blackcoin pour le moteur de staking… justement car des gens avaient trouvé des failles potentielles dans les algorithmes existants. On avait levé $4 millions en 3 jours, au même moment Ethereum faisait son ICO.
Malheureusement on a pas eu la traction suffisante et quelques problèmes d’attaque de bots. Des sites partenaires avaient dû enlever une partie des services qu’ils offraient avec cet altcoin car ils se faisaient attaquer par des bots. Les bots récupéraient de l’argent et revendaient la crypto-monnaie. On a vu la lente descente aux enfers du prix qui a chuté. Suite à ça j’ai fait un burnout, je n’ai plus touché un ordinateur pendant 3 mois. 
J’ai ensuite rencontré les membres de Blockchain Partner et j’ai commencé à faire du freelance pendant deux ans en travaillant beaucoup avec eux. Il y avait beaucoup de prototypage et d’audit, ainsi qu’un peu de consulting. Cette expérience m’a beaucoup plus, j’ai beaucoup aimé toucher à Ethereum…
Après une période un peu difficile il y a deux ans, j’ai voulu rejoindre une grosse boîte, j’ai cherché la plus grosse boite sur Ethereum et j’ai postulé pour ConsenSys Paris que j’ai rejoint il y a un an.

Tu as découvert ETH chez Blockchain Partner ?

Je connaissais déjà Ethereum, mais je n’avais pas encore réalisé de projet. Le premier projet professionnel basé sur Ethereum auquel j’ai participé concernait la revente de e-billets pour un grand groupe industriel français. J’ai eu l’occasion de travailler sur tous les aspects de A à Z; autant l’interfacage, le service qui tourne dans le cloud et les smart-contracts, les démonstrations clients et la documentation. Ce fut un gros rush de 2-3 semaines et il fallait, en plus, tout expliquer au client. Il voulait comprendre, c’était un prototype, une expérimentation.. C’était très intéressant. Cela m’a permis de me remettre à jour sur tout ce que j’avais fait précédemment, mais sur Ethereum.
Avant, j’avais commencé à regarder les codes de Bitcoin et voir les différents commits. J’observais comment le système évoluait. J’analysais les similarités et différences entre Ethereum et Bitcoin. C’est très intéressant de voir qu’Ethereum s’est beaucoup inspiré de Bitcoin tout en faisant quelque chose de différent. Mais Ethereum a repris la dette technique de Bitcoin, dette technique que ETH 2.0 essaye d’enlever.

Ethereum 2.0 est vraiment réécrit de zéro ?

Oui et non. Ethereum comme c’est un protocole, c’est le protocole que tu modifies. Quand on analyse le protocole existant d’Ethereum on se rend compte que certains algorithmes ne sont pas spécialement les plus efficients. Ici, on a la possibilité de relancer les dés, réfléchir et apprendre de notre expérience. Cela fait cinq ans que le système tourne.

Tu as donc une petite expérience d’implémenteur Ethereum 2.0 ?

Je dirais plutôt que j’ai une expérience de hackeur sur Ethereum 1.0. J’ai passé beaucoup de temps à lire le code d’Ethereum dans tous les sens. J’ai fait un commit, qui résolvait un crash.

Quel est ton rapport à la spéculation autour des crypto-monnaies ?

Je suis un crypto-hobo et je suis pas un hodler. J’ai 0.5 BTC en tout et pour tout. Par contre si vous voulez m’en envoyer, je les accepte.
J’ai fait quelques expérimentations. Quand je travaillais avec Neucoin, j’avais essayé de vivre pendant tout un mois uniquement avec des bitcoins (sauf loyer etc.). Je me suis nourri exclusivement en bitcoins en 2014. Pizza.fr acceptait les bitcoins (pizza, kebab, sushi). Cependant, il y avait souvent des boutiques qui n’étaient pas encore ouvertes mais pour lesquelles tu avais déjà payé. Quand je demandais un remboursement ils voulaient un IBAN mais je voulais me faire rembourser en bitcoins. Techniquement, une boutique me doit toujours 0.2 BTC. 
Une des raisons pour laquelle je ne suis pas intéressé à l’aspect financier de tout ça est que je ne crois pas que gagner de l’argent en capitalisant soit une bonne chose. En tant que développeur j’ai beaucoup de chance de pouvoir travailler facilement. Après je suis particulier, je ne travaille pas dans un objectif de gagner plus d’argent que nécessaire à ma vie quotidienne. Cela me divertit de mon objectif de faire mieux.

As-tu un exemple d’une application Ethereum utile à nous partager?

Oui. Déjà rien que le fait qu’il existe des stablecoins, c’est déjà un use case passionnant. A la Devcon, les volontaires ont utilisé Kickback. Mais cela peut être plus un frein dans des secteurs pas encore très crypto car Kickback ne fonctionne qu’avec des crypto-monnaies. 
Je parie plus sur une crise pour l’explosion des crypto-monnaies. C’est une crise du système actuel qui va faire en sorte que les usages vont changer. Quand ils vont perdre leur argent, ils vont chercher à faire quelque chose d’autre. L’écosystème sera prêt.

Tu es bénévole pour la conférence Devcon, quel est ton intérêt pour être bénévole lors d’une conférence ?

Tu peux arriver, connaître personne, pour ceux qui sont anxieux socialement, c’est bien lorsqu’il y a un cadre. Tu vas rencontrer plein de gens avec le volontariat. Correspondre avec d’autres humains. De facto, cela sera plus facile d’approcher les gens car tu rentres dans un rôle précis. C’est une bonne approche pour rentrer dans les conférences et événements.
Et aussi c’est fun, t’envoies de l’amour et de la joie aux gens. Personne ne s’est plaint.