Pour le lecteur non familier avec le hockey sur glace, le forward est un joueur chargé de marquer et d’assister dans les phases offensives. Le two-way forward est lui un meneur de jeu capable de contribuer à la fois en défense et en attaque.

Vous avez sûrement remarqué que Pokémon Go était extrêmement gourmand en données personnelles, vendant au passage des items pour progresser plus rapidement et le tout sans vraiment vous donner la propriété des pokémons attrapés. Voyons comment deux projets sur ethereum pourraient permettre d’améliorer l’expérience des joueurs avec des Dapp (applications décentralisées) défensives qui protègent les données personnelles, et offensives qui donnent envie de jouer par des incitations économiques.

Idée reçue et sens caché, vous allez mincir en jouant à Pokémon Go tandis les serveurs de données s’engorgent

Vous avez pu le lire un peu partout et l’entendre à la radio, Pokémon Go serait la solution qu’on attendait à l’obésité. Un tweet de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé a même laissé espérer à certains que la Sécurité Sociale puisse rembourser l’argent dépensé sur l’application. Est-ce que vous pouvez mincir en marchant ? A priori non, cela va certainement vous aider à rester en bonne santé mais à moins de faire intensivement de l’exercice ce n’est pas gagné pour la perte de poids.

Pokémon Go est une incitation “gratuite” à sortir de chez soi mais est loin d’être un repas gratuit. Plus précisément, les serveurs de Pokémon Go se gavent de données au point d’être régulièrement en dérangement faute de pouvoir toutes les digérer. Ce résumé en 5 secondes de Pokémon Go est assez juste:

 

L’écran s’affiche régulièrement “servers are busy”, sauf que les serveurs sont plus occupés à traiter les mises à jour de vos données personnelles qu’à générer de nouveaux pokémons. Dernièrement une faille importante de sécurité avait été dénoncée, s’enregistrer avec son compte Google c’était donner à Pokémon Go la possibilité de:

  • Lire vos emails
  • Envoyer des mails avec votre compte
  • Accéder aux documents que vous stockez sur google drive (et éventuellement les supprimer)
  • Lire votre historique de recherches et de navigations sur Maps
  • Accéder aux photos stockées sur Google Photos
  • Etc.

Evidemment certaines utilisations étaient limitées par des contraintes techniques mais un important risque demeure pour la sécurité de vos données notamment par le piratage l’application. Si vous voulez en savoir plus je vous recommande cet article d’adam reeve. Niantic, le développeur du jeu, a répondu et publié un correctif mais ne vous attendez pas à ce que l’application soit moins gourmande en données. En effet, ces données et plus spécifiquement la géolocalisation représentent un enjeu important pour le marketing ciblé. Notez que Niantic était originalement une startup interne de Google.

Un deviantart approprié par prisonsuit-rabbitman

Un deviantart approprié par prisonsuit-rabbitman

Nintendo n’a pas doublé sa capitalisation  de marché récemment sans raison, Pokémon Go est la transformation d’une des franchises les plus populaires de l’histoire du jeu vidéo en une redoutable machine à déplacer les utilisateurs vers un magasin.

Les magasins peuvent payer pour que leur localisation soit associée à l’apparition de pokémons. Très bientôt des campagnes ciblées de génération de pokémons seront disponibles par l’analyse des données personnelles. Mon conseil si vous souhaitez commencer/continuer à jouer à Pokémon Go en évitant d’être régulièrement soumis à la tentation de consommer par l’application: cherchez bien le bouton “Créer un compte de dresseur de Pokémon” et bloquez l’accès de l’application aux données personnelles stockées dans votre téléphone, ou alors utilisez une adresse gmail jetable.

La Blockchain comme two-way forward pour Pokémon Go et l’industrie du jeu vidéo: gestion décentralisée des données personnelles et marché d’échange pour les actifs numériques

  • Reprendre le contrôle sur vos données: Uport

A partir de stockage en blockchain et hors blockchain il est possible de construire une plateforme de gestion des données personnelles orientée vers la confidentialité. Il semble que Guy Zyskind, Oz Nathan et Alex ’Sandy’ Pentland ont été les premiers à proposer un tel protocole. Ces auteurs mettent au point cette plateforme au sein d’Enigma, une startup hébergée par le MIT dont le white paper a été publié en juin 2015.

Le concept est aussi fonctionnel dans l’écosystème d’ethereum et Consensys mène ce projet avec Uport. Schématiquement, il s’agit d’un smart contract qui reconnaît l’utilisateur comme propriétaire des données et les services comme invités avec plus ou moins de permissions.

uport


Uport associe une adresse ethereum à votre nom et potentiellement à votre adresse email, votre photo, vos comptes sur les réseaux sociaux etc. Ces données sont stockées sur un réseau décentralisé comme IPFS dans la béta d’Uport, mais Storj, Swarm et d’autres solutions de stockage décentralisée pourraient être utilisées. Digix global, la DAO qui gèrent des tokens garantis sur l’or, collabore actuellement avec Uport pour la gestion de l’identité de ses utilisateurs. Si vous souhaitez en savoir plus vous pouvez aller jeter un oeil ici à la présentation de Christian Lundkvist au DEVCon1.

Avoir ses données sur Uport permettra de gérer facilement soi-même ses données personnelles plutôt que de recourir à Google ou Facebook. Ces Tierces-parties possèdent, contrôlent et commercialisent ces informations via:

  • La fourniture d’identifiant lorsqu’un utilisateur veut accéder à un service ;
  • La confirmation au service que l’utilisateur est connu;
  • La fourniture de toutes sortes d’informations au service sur l’utilisateur.

Ces tâches reposent sur l’émission de tokens de sécurité remplaçant la procédure de création d’un compte qui est parfois fastidieuse pour l’utilisateur. Pensez-y la prochaine fois que vous préférez l’option “se connecter avec Facebook”, ce raccourci se paye en données personnelles pour le service utilisé.

Une solution en blockchain comme Uport est à la fois simple et respectant la propriété des données pour l’utilisateur. Vous n’aurez plus besoin d’une tierce-partie pour émettre le token d’identification, votre smart contract Uport s’en chargera. Vous serez alors en mesure d’autoriser et de révoquer l’accès à vos données, tout en gardant l’historique des requêtes. Cerise sur le gâteau, il est très simple de rendre les requêtes payantes, vous permettant ainsi de monnayer vos données.

  • Ce que vous possèdez dans un jeu devrait être à vous: la propriété du contenu via Ownage

Cela peut sembler étrange d’associer propriété et contenu de jeu vidéo, il y a cependant des justifications philosophiques liant le travail et le droit de propriété. John Locke écrivait que l’apport de travail à un objet faisait la propriété de l’objet et force est de constater que certains jeux sont particulièrement intensifs en travail.

Collecter les 151 pokémons de Pokémon Go ne sera pas une mince affaire, tout comme il peut être long d’augmenter le niveau de son personnage dans un RPG et de collecter des objets rares. Cependant la plupart des licences de jeux restreignent explicitement la propriété des contenus accumulés. Je me souviens qu’en 2005 Blizzard Entertainment menaçait de bannir de ses serveurs les joueurs de World of Warcraft tentant de vendre leur compte ou leur or virtuel sur Ebay. Sans surprise, des comptes Pokémon Go sont déjà à vendre pour des sommes rondelettes. Et si votre prochain pokémon capturé pouvait être vendu immédiatement sur le marché ?

L’enregistrement des pokémons et autres contenus que vous possédez sur la blockchain rendrait cela possible. Imaginez le processus comme suit : vous vous connectez à Pokémon Go avec votre compte ethereum, chaque nouvelle capture y est associée, vous pouvez transférer ce pokémon à un autre utilisateur dans un transaction ethereum.

Il s’agit du projet Ownage, cette plateforme permet de distribuer, collecter et négocier des contenus des jeux. Il faut souligner que l’avantage de l’enregistrement des contenus en blockchain ne s’arrête pas à faciliter l’organisation d’un marché pour ces contenus. En effet, les utilisateurs ne sont plus dépendants des serveurs qui hébergent ces données et ont l’assurance de pouvoir accéder à ces contenus indéfiniment sans risque d’altération ou de coupure.

ownage

 

Pourquoi les développeurs devraient adopter une telle approche ? Le stockage à perpétuité dans la blockchain crée une forte incitation à explorer le jeu pour en collecter les secrets avec la satisfaction de se constituer un véritable butin. Cela facilite aussi le transfert du contenu des comptes d’une version à l’autre du jeu et entre les plateformes.

Récapitulons : avec une intégration blockchain parfaite, je pourrais me connecter sur Pokémon Go avec mon compte ethereum. Au passage je récupérerais mes pokémons durement collectés sur ma cartouche Game Boy Pokémon Rouge de 1999. Je me lancerais dans les combats de pokémons avec ma dream-team (50% Ectoplasma et 50% Leveinard) pour en prouver la valeur et éventuellement la revendre à un joueur envieux.

Non ? Ce n’est pas encore au point ?

Pour rappel, Google avait lancé ce canular au mois d’avril 2014 :

 

PS: un projet très chouette qui s’inspire de Pokémon sur ethereum: https://github.com/cryptomon/cryptomon

PS 2: Si vous voulez en savoir plus sur le modèle économique des jeux gratuits c’est par ici.

 

Commentaires

Commentaires

  1. xeno-gaming
    2 août 2016 - 06h53

    Super intéressant, merci pour cet article!

    Répondre

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